Jérémy Ridel
Dans sa chambre
Performance - Installation numérique
D’après La Métamorphose de Kafka et d’autres textes.
Adaptation - Pierre Koestel et Jérémy Ridel
Mise en scène - Jérémy Ridel
Dramaturgie - Pierre Koestel
Espace - Cerise Guyon
Création sonore / musicale - David Hess
Développeur - Baptiste Chenot
Production - Camille Fabre
Administration - Habib Khayat
Avec Daniel Monino
Production - FullFrontalTheatre
Coproduction / soutiens - Théâtre de Vanves,
Carreau du temple...
Une certaine métamorphose
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Un homme est seul, debout, dans sa chambre, immobile. Il s’est levé mais n’a pas réussi à se laver, pas réussi à s’habiller, pas réussi à manger et à sortir. Son corps ne répondait plus. Il n’était pas paralysé, il ne faisait pas d’attaque vasculo-cérébrale, il était simplement incapable d’avancer.
C’est ainsi que débute Dans sa chambre. Ce projet, pensé comme une installation performative, nous plonge dans le corps d’un travailleur qui, un matin, se réveille et ne peut plus continuer sa vie. Il entame alors une introspection. Seul, immobile, il fait l’inventaire de ce qui le constitue et tente d'analyser les raisons de cet arrêt. Sa transformation en homme immobile, en objet inerte, le force à faire face aux rapports qu’entretiennent son corps et le monde dans lequel il se jette.
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Un dispositif panoptique
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Nous souhaitons proposer aux spectateurs d'entrer dans la psyché de cet homme, de faire l'expérience de cet arrêt avec lui. L’acteur/performeur au centre de l’espace est enfermé dans une pièce aux murs transparents. Il est immobile et murmure. Nous inviterons le public à déambuler autour de cette pièce pour multiplier les points de vue.
Nous souhaitons créer une expérience déroutante de la fiction, qui pousse les limites de ce qui fait jeu et qui questionne la porosité des corps avec leurs environnements sociaux et technologiques. Pour cela nous viendrons capter sa parole ainsi que ses données biométriques (rythme cardiaque, respiration, température…) grâce à des capteurs placés sur lui. Nous développerons un travail sonore et visuel mixant ces données, la parole du performeur et une composition musicale. Sur les murs de cette pièce seront projetées des images et des vidéos produites en direct en utilisant les données captées.
Grâce à ce dispositif hybride, nous permettrons aux spectateurs d'entrer dans le corps de cet homme, de faire avec lui ce voyage intérieur à la recherche des raisons de son immobilité. Ce dispositif propose de faire l'expérience d’une intimité extrême avec l’acteur/performeur. A travers cette proximité c’est l’exposition d’un corps que nous souhaitons questionner. Dans un contexte technologique poussant à la constante amélioration de nos corps et à l’augmentation de leurs capacités productives, quelle place laissons-nous aux corps fragiles ?
L’exposition du corps du performeur au regard des spectateurs est aussi le reflet de l’exposition de nos corps aux injonctions de performance et de robustesse inhérents à une organisation capitaliste. A travers ce dispositif de transparence, nous souhaitons aussi questionner le regard des spectateurs sur les corps qui les entourent.
Kafka, la Big Data et le capitalisme tardif
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Nous avons choisi le texte de Kafka, parce qu’il traite justement de cette question. La transformation du corps du personnage n’est que la métaphore d’un acte de résistance face à une société (représentée dans le texte de Kafka par sa famille ou son employeur) qui exige toujours plus de lui. L’allégorie du cafard (Ungeziefer en allemand, l’animal qui ne peut être sacrifié, la vermine) est une représentation réservée aux corps dont l’efficacité n’est pas suffisante pour un système de production de masse.
Quelle place laissons-nous à un corps inutile, improductif, dans nos sociétés de production de masse qui fait du travail, l’éthique de nos vies ? Comment appréhender son corps quand celui-ci ne répond pas aux injonctions productivistes ambiantes ? Quelle place, l’obtention continuelle et exponentielle des données, joue dans les nouveaux contrôles des corps et de la productivité des travailleurs ? À travers ce monologue intérieur adapté de la Métamorphose de Kafka et d’autres textes, nous souhaitons proposer au spectateur de faire l’archéologie d’un effondrement sociétal et la description d’une certaine prolétarisation par le numérique.
Intériorité et frontalité.
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FullFrontalTheatre a monté de nombreux projets ayant pour thème, les rapports de classes et l’influence d’un environnement social sur les sujets qui y évoluent. A partir de textes du répertoire, de matières littéraire ou visuelle, nous avons construit des spectacles où l’esthétique de jeu (qui s’articule autour de la réduction extrême du jeu de l’acteur, d’une frontalité/immobilité imposant une exhibition constante et d’une rythmique très marqué dans le débit de la parole) racontent le combat émancipatoire de nos personnages.
En travaillant, à partir de Kafka et de ce dispositif, nous souhaitons approfondir notre travail sur la représentation des violences sociales et de leurs effets sur les corps. Nous souhaitons aussi, à travers ce projet, approfondir notre réflexion sur le corps travailleur, les injonctions toujours plus fortes à l'obéissance et à la productivité, ainsi que les outils que les technologies contemporaines et la Data offrent au capitalisme post-moderne pour y parvenir.